Une Réflexion Sur Ce Que La Guerre Révèle
Et Sur Les Fêlures Que Certain·e·s Exploitent
On aime répéter que la foi sauve. Que la religion offre un bras rassurant quand tout s’effondre. Ce discours consensuel a la douceur d’une berceuse, mais j’ai appris à me méfier des berceuses : elles endorment ! Et dans les zones de guerre, dormir peut coûter cher. Alors j’écris cet article parce que, dans tous les cas, la foi n’est qu’une arme opportune dont se servent les religions pour asservir les personnes désespérées.
Dans les villages proches du front, les rassemblements spirituels se présentent comme de simples parenthèses de solidarité. On partage un repas, on chante, on prie. On se donne l’illusion qu’un instant de chaleur peut repousser le bruit des bombardements. C’est touchant, presque pur. Mais il suffit de regarder un peu plus longtemps pour voir l’ombre derrière la flamme. Ce qui se veut refuge peut vite devenir emprise. Ce qui se veut soutien glisse vers le contrôle symbolique. C’est là que commence l’hypocrisie, sous couvert de bienveillance.
Pendant que les habitants tentent de réinventer une forme de normalité, d’autres profitent de leur vulnérabilité. Les discours religieux se substituent rapidement aux repères perdus, et s’il y a bien une chose que l’histoire m’a appris, c’est que la fragilité humaine est un terreau fertile pour les autorités morales. On parle de résilience ? Oui, bien sûr. Mais résilience de qui ? Pour qui ? Et surtout : à quel prix ? On s’indigne volontiers du cynisme politique, mais on oublie que la manipulation peut aussi revêtir des habits liturgiques.
On me dira que ces initiatives offrent un soutien réel. Je n’en doute pas. Les individus s’accrochent à ce qu’ils peuvent. La détresse rend créatifs et créatives. Mais il ne faudrait pas confondre consolation et abandon de soi. « La liberté est le bien le plus précieux de l’homme », écrivait Jean-Paul Sartre. Et cette liberté, je la vois se fissurer chaque fois qu’une communauté se laisse guider par une figure religieuse censée tout expliquer, tout justifier, tout réconforter. Derrière chaque prière de groupe se cache un risque : celui d’une uniformisation de la conscience, d’une pensée qui se dilue dans la promesse d’un sens préfabriqué.
Les symboles religieux brandis en plein conflit me frappent par leur ambiguïté. On les montre comme des talismans contre la peur. Mais ils servent aussi à rappeler qui détient le récit dominant. Les non-croyant·e·s ? Les minorités ? Souvent relégué·e·s au second plan, invité·e·s à participer mais jamais vraiment inclus·e·s. Une communauté ne devient pas inclusive simplement parce qu’elle ouvre ses portes : elle le devient quand elle cesse d’imposer ses codes.
Je continue de croire à la solidarité, mais à une solidarité nue, dépouillée d’intentions spirituelles, une solidarité qui ne cherche pas à convertir, à élever, à sauver. Seulement à accompagner. Dans les temps troublés, la seule foi qui vaille est celle que chacun·e place en sa propre capacité à résister. Tout le reste relève d’un théâtre moral dont il est urgent de déchirer les rideaux.
Réapprendre à s’unir sans se soumettre : voilà la seule véritable résilience.
Sources :
- La Foi Comme Refuge : Solidarité Et Résilience Dans L’Est De L’Ukraine, 2024
- Les Aumôniers De Guerre : Entre Soutien Et Influence, 2023
- Résilience Psychologique En Temps De Conflit, 2022
- Symboles Religieux Et Pouvoir Social, 2021







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