Les petits billets de Letizia

Un blog pour donner à réfléchir, pas pour influencer… #SalesConnes #NousToutes


Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

,

RN : Le Mythe Des Brebis Galeuses

RN : Le Mythe Des Brebis Galeuses

Quand La Normalisation Devient Une Stratégie

Pourquoi Le RN Ne Rompt Pas Avec Ses Marges

Il faut commencer par dissiper un malentendu soigneusement entretenu par les médias. Non, le Rassemblement national n’a pas « du mal » à se séparer de ses brebis galeuses. Il n’échoue pas à le faire. « Il choisit de ne pas le faire ». La nuance est décisive, car elle éclaire toute la mécanique politique à l’œuvre. Les révélations successives sur des candidat·e·s tenant des propos racistes, antisémites ou homophobes ne sont pas des accidents de parcours. Elles sont les symptômes d’une stratégie assumée, quoique rarement dite à voix haute.

À chaque échéance électorale, le même rituel. Des promesses de tri plus rigoureux, des « procédures renforcées », un discours de respectabilité. Puis, immanquablement, les mêmes profils réapparaissent, parfois les mêmes personnes, investies à nouveau. On feint la surprise, on invoque l’erreur humaine, on parle de propos « anciens », « sortis de leur contexte ». Ce théâtre de l’excuse finit par lasser. « Il révèle moins une incapacité organisationnelle qu’un calcul politique froid ».

Car ces candidat·e·s ne sont pas des anomalies. Iels sont le socle militant du RN, celleux qui tiennent les sections locales, qui collent les affiches, qui animent les réseaux sociaux, qui donnent une chair idéologique au discours national. S’en séparer ouvertement, ce serait prendre le risque de fracturer la base électorale, de perdre des voix, beaucoup de voix. La dédiabolisation a toujours été un exercice d’équilibriste : rassurer l’électorat modéré sans désavouer celleux qui portent, parfois crûment, l’ADN du parti.

On invoque souvent le « déficit de ressources humaines ». L’argument est commode. Il masque une réalité plus dérangeante : ce ne sont pas les compétences qui manquent, mais la volonté de rompre avec un imaginaire politique structuré autour de l’exclusion. Quand un responsable local, chargé de filtrer les candidatures, est lui-même épinglé pour des propos racistes, ce n’est pas un bug. C’est un système qui se protège. Un entre-soi idéologique où la transgression n’est sanctionnée que lorsqu’elle devient médiatiquement coûteuse.

Cette ambiguïté permanente permet au RN de parler à plusieurs publics à la fois. À la télévision, un discours policé, technocratique, presque ennuyeux. Sur le terrain, des clins d’œil, des provocations, des phrases qui circulent sous le manteau. Ce double langage n’est pas nouveau. Il rappelle d’autres moments de l’histoire politique européenne où l’extrémisme avançait masqué, testant les limites de l’acceptable avant de les déplacer.

Comme l’écrivait Hannah Arendt, « le danger n’est pas tant dans les idéologies extrêmes que dans leur banalisation ». Hannah Arendt. C’est précisément cette banalisation qui est à l’œuvre aujourd’hui. À force de relativiser, de minimiser, de renvoyer dos à dos toutes les radicalités, on finit par normaliser des propos qui attaquent frontalement la dignité humaine. Or une démocratie ne se mesure pas seulement à ses procédures électorales, mais à la qualité morale de celleux qu’elle envoie représenter le collectif.

Il serait trop simple de réduire cette question à une querelle partisane. Elle nous concerne toutes et tous. Que dit de notre époque le fait qu’un parti puisse prospérer sans régler ce problème structurel ? Que dit-il de notre tolérance croissante à l’égard de l’intolérable ? La vigilance ne peut pas reposer uniquement sur les médias ou sur les adversaires politiques. Elle suppose une exigence citoyenne, une capacité à refuser les faux-semblants et à nommer les choses pour ce qu’elles sont.

Le RN ne trébuche pas sur ses brebis galeuses. Il avance avec elles. Tant que ce choix sera électoralement rentable, il n’y aura ni rupture franche ni transformation profonde. La question n’est donc pas seulement ce que fait ce parti, mais ce que nous acceptons collectivement de voir passer, au nom du pragmatisme ou de la lassitude démocratique.

Références principales

  1. « Municipales 2026 : le RN toujours confronté à des candidatures controversées », décembre 2025
  2. « La stratégie de dédiabolisation du Rassemblement national », analyse politique, juin 2024
  3. « Extrême droite et normalisation du discours », étude sociopolitique, septembre 2023
  4. « Propos discriminatoires et responsabilité politique », enquête journalistique, juillet 2024

En savoir plus sur Les petits billets de Letizia

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire