Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

RN : Les Abstentions Qui Parlent Fort Quand Les Droits Des Femmes Vacillent

IVG En Europe Et Ambiguïtés Politiques

Quand Le Silence Devient Une Position

Il y a des gestes politiques qui claquent comme des portes. D’autres qui grincent, plus sourds, mais tout aussi révélateurs. Une abstention, surtout lorsqu’elle porte sur un droit fondamental, appartient à cette seconde catégorie. Le 17 décembre, au Parlement européen, un texte appelant à faciliter l’accès à des avortements sûrs et légaux pour toutes les femmes européennes a été adopté. Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a choisi de ne pas choisir. « Cette abstention, loin d’être anodine, dit quelque chose de profond sur la vision du RN des droits des femmes ».

Le problème n’est pas seulement ce vote précis. Il est dans la cohérence globale, ou plutôt dans son absence. En France, le RN affirme désormais que le droit à l’IVG ne serait plus remis en cause. À Bruxelles, ses élu·e·s s’abstiennent, votent contre, ou refusent d’endosser des textes pourtant non contraignants en faveur de l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre les violences sexistes ou de la protection des droits reproductifs. Ce décalage nourrit une confusion dangereuse. « Car les droits des femmes ne sont pas des slogans adaptables aux calendriers électoraux, mais des garanties concrètes, fragiles, toujours susceptibles de recul ».

Ma thèse est simple : l’abstention de Jordan Bardella sur l’IVG n’est pas un accident de procédure, mais le symptôme d’une ligne politique profondément ambivalente, marquée par un antiféminisme structurel que le RN tente aujourd’hui de rendre socialement acceptable. Nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir.

Premier argument : l’argument de la souveraineté européenne, souvent invoqué, ne tient pas. Le texte soumis au vote n’imposait rien aux États. Il appelait à une solidarité volontaire, à un soutien financier, à une protection minimale pour celles qui, en Europe, risquent encore leur santé ou leur vie pour avorter. Se retrancher derrière les compétences de l’Union revient à accepter que des femmes soient moins libres que d’autres selon leur pays. Ce n’est pas une position neutre, c’est un choix politique.

Deuxième argument : cette abstention s’inscrit dans une longue série. Égalité salariale, harcèlement sexuel, violences conjugales, Convention d’Istanbul : à chaque étape, le RN a freiné, temporisé, reculé. Ce sont des faits, documentés, répétés. Comme l’a justement formulé Simone de Beauvoir, « Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». Simone de Beauvoir nous rappelait ainsi que rien n’est jamais acquis, surtout lorsque les défenseurs autoproclamés de ces droits se montrent silencieux au moment décisif.

Troisième argument : les alliances européennes du RN pèsent lourd. S’inscrire aux côtés de partis ouvertement hostiles à l’IVG, en Europe centrale ou méridionale, impose des compromis idéologiques. On ne peut pas, d’un côté, rassurer l’électorat français et, de l’autre, ménager des partenaires politiques dont l’agenda repose sur le contrôle des corps et le retour à un ordre social profondément inégalitaire.

On objectera que l’abstention n’est pas un vote contre. C’est vrai, techniquement. Mais politiquement, elle a un sens. S’abstenir, c’est refuser d’endosser une avancée, refuser d’assumer une protection, refuser de dire clairement que l’autonomie des femmes mérite un engagement plein et entier. Dans un contexte européen où le droit à l’avortement recule dans plusieurs pays, ce refus est lourd de conséquences symboliques.

Nous écrivons, nous parlons, nous alertons parce que l’histoire nous a appris que les reculs commencent rarement par des interdictions brutales. Ils débutent par des silences, des abstentions, des demi-mots. L’antiféminisme primaire que le RN tente de dissimuler derrière un vernis de respectabilité promet un réveil cauchemardesque aux femmes. Et nous avons la responsabilité collective de ne pas nous y résigner.

La question n’est donc pas seulement celle d’un vote européen. Elle est celle de la société que nous voulons défendre. Une société où les droits fondamentaux ne se négocient pas, ne se relativisent pas, ne s’ajustent pas aux intérêts électoraux. Une société où l’égalité n’est pas un décor, mais un socle. À l’approche des échéances politiques à venir, il nous appartient de regarder les actes, pas seulement les discours, et de nous demander : « jusqu’où sommes-nous prêt·e·s à laisser le silence décider à notre place ? »

Références principales

  1. Résolution du Parlement européen sur l’accès à l’avortement sûr – décembre 2025
  2. Article du Monde sur les votes du RN au Parlement européen – décembre 2025
  3. Analyse de la stratégie européenne du Rassemblement national – novembre 2025
  4. Rapport sur l’égalité femmes-hommes dans l’Union européenne – 2024

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